Deuxième partie

INTEGRER UNE DEMARCHE PHILANTHROPIQUE AU SEIN D’UNE STRATEGIE PATRIMONIALE VIA UNE FONDATION

2.1. Créer un véhicule adapté à la démarche du fondateur pour pérenniser l’engagement

Pour faire perdurer le nom de leur entreprise ou inscrire à la postérité le nom de leur famille, de plus en plus nombreux sont les anciens hommes d’affaires qui décident de créer leur fondation.


Pour ceux qui n’ont pas d’héritier, et, pour les autres, dans la limite de la liberté offerte par la loi, la fondation constitue une solution attrayante. Il s’agit d’une stratégie novatrice par rapport aux règles habituelles de la dévolution successorale. Mais créer une fondation est une décision lourde sur le plan financier : l’argent versé dans la structure sort définitivement du patrimoine personnel et familial.


Différents types de fondations (trois régimes principaux et trois régimes spécialisés) répondent aux exigences des mécènes selon qu’ils souhaitent s’engager pour une action pérenne ou pour une action plus limitée.

 

 2.1.1. La Fondation Reconnue d’Utilité Publique (FRUP) pour des projets durables et de grande ampleur

 

Créée pour une durée illimitée, la Fondation Reconnue d’Utilité Publique (FRUP) doit avoir :
- un objet d’intérêt général à but non lucratif*,
- une dotation suffisante pour accomplir son objet,
- un conseil d’administration ou un conseil de surveillance avec directoire pour assurer sa gouvernance.
Elle a ainsi le caractère d’une institution pérenne dont la reconnaissance fait l’objet d’un décret en Conseil d’Etat.

 

 

 

 

Constitution et mode de gouvernance

 

La création d’une Fondation Reconnue d’Utilité Publique requiert l’autorisation des pouvoirs publics, par décret du Premier ministre contresigné par le ministre de l’Intérieur, pris après avis du Conseil d’État. L’instruction d’une demande de reconnaissance d’utilité publique d’une fondation est souvent complexe, en raison des exigences qui s’attachent à sa création, en particulier :


- l’indépendance requise de la fondation à l’égard de ses fondateurs dans la composition de l’organe de gestion ;

 

- l’organisation très encadrée de la gouvernance au sein de collèges ;

 

- la viabilité économique de l’entité dont les moyens financiers doivent financer les missions


Aussi, afin de faciliter leur création, les statuts-types ont été révisés. Depuis 2003, le délai de reconnaissance d’utilité publique* a ainsi été considérablement réduit : si dans un délai de 6 mois aucune réponse n’a été apportée par l’administration, la reconnaissance est considérée comme acquise.


La loi du 1er août 2003 a également supprimé le seuil minimum de 800 000 € de dotation initiale et a mis en place des modalités assouplissant l’apport du capital. Plusieurs plans de financement sont désormais envisageables. A côté des fondations constituées à partir d’une dotation initiale (qui peut désormais être versée progressivement sur une période maximale de 10 ans), le Conseil d’Etat a fait place à de nouvelles formes de financement :


- en admettant les fondations de flux : au lieu de verser un capital de départ, les fondateurs peuvent s’engager à verser, selon un calendrier fixé dans les statuts, un certain montant annuel garanti par une caution bancaire.


- en autorisant les fondations à dotation consomptible : la possibilité est donnée de financer un projet à durée déterminée en consommant son capital puis de se dissoudre lorsque le projet est réalisé.

 

La dotation se compose de tous les éléments du patrimoine qui lui ont été affectés de manière irrévocable. Celui-ci peut notamment être constitué de biens (meubles ou immeubles de tout ordre : terres, toiles de maître…), de droits (droits immobiliers, droits d’auteur, droits sociaux) ou de ressources (des versements promis par les fondateurs). Ces actifs peuvent être en outre grevés de certaines charges, telles des servitudes, des travaux à effectuer ou des réserves d’usufruit. Toutefois ces charges ne doivent pas être telles qu’elles excluent tout profit pour la fondation.

 

Autonomes, les Fondations RUP jouissent ainsi d’une grande capacité juridique et fondent leur solidité et leur longévité sur leurs richesses. Les revenus de la dotation en capital en particulier, complétés éventuellement des ressources extérieures et autres rémunérations de services rendus, assureront son indépendance et garantiront son fonctionnement régulier. Les Fondation RUP sont en outre les seules habilitées à faire appel à la générosité publique et à recevoir des dons ou des legs pour consolider leur patrimoine et financer leur objet. Pour ce faire, les fondations destinataires d’un don ou d’un legs doivent obligatoirement initier une procédure d’acceptation et le déclarer à l’autorité administrative. Si cette dernière juge la fondation inapte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire, elle peut s’opposer à ce qu’elle conserve le don ou le legs en question22. Concrètement, l’acceptation définitive est subordonnée à la notification par le Préfet du département d’une décision de non opposition.

 

Une autre évolution majeure issue de la refonte des statuts-types de 2003 concernent le mode de gouvernance. En effet, la Fondation Reconnue d’Utilité Publique a longtemps été gouvernée par un Conseil d’Administration dans lequel figurait, répartis au sein de trois collèges :


- les fondateurs, qui peuvent être des personnes physiques et/ou morales de droit privé,

 

 - des représentants des pouvoirs publics


- et des personnalités cooptées pour leurs compétences dans les champs d’activités de la fondation.


Depuis 2003, il est possible d’opter pour une gouvernance à deux têtes (Conseil de surveillance et Directoire), et d’accueillir un commissaire du Gouvernement comme unique représentant de l’État, non plus co-décisionnaire mais observateur chargé de veiller au respect de l’utilité publique.

 

Un cadre fiscal attractif


Il convient de distinguer à ce titre, les dispositions fiscales applicables aux libéralités reçues par la fondation, de la fiscalité liée à son activité propre :


- En vertu de l’article 795 du CGI23, les Fondations RUP peuvent bénéficier d’une exonération de tous droits de mutation à titre gratuit s’agissant de dons et legs qui leurs sont consentis
- Par ailleurs, dans la mesure où elles respectent les critères de non-lucrativité24, les Fondations RUP sont totalement exonérées d’impôts commerciaux (TVA, impôt sur les sociétés, taxe professionnelle) pour les revenus patrimoniaux générés par sa dotation (loyers, dividendes) et autres recettes directement liées à son objet (vente d’immeubles, rémunérations de services rendus). En cas de secteur lucratif, elles sont normalement soumise à l’IS sauf si le montant des recettes d’exploitation encaissées au cours de l’année civile au titre des activités lucratives est inférieur à 60 K€.

 

Le statut de fondation abritante

 

C’est un label spécifique approuvé par le Conseil d’Etat qui est délivrée aux Fondations RUP considérées comme les plus représentatives, disposant d’une solide organisation, de moyens financiers et d’un patrimoine significatif. Le statut de fondation abritante est aujourd’hui l’apanage d’une vingtaine d’organismes pour la plupart spécialisés (recherche scientifique ou médicale, humanitaire, insertion, environnement…) et ne peuvent abriter que les fondations entrant dans leur propre objet. Concrètement, ce label autorise toutes les FRUP qui l’ont obtenu auprès du Conseil d’Etat, à décider de manière autonome la création en leur sein, de fondations dont la personnalité morale n’est pas distincte de la leur, communément appelés fondations sous égide ou fondations abritées.

 

Fondations RUP et transmission d’entreprise

 

 La loi du 2 août 200525 autorise certaines fondations à détenir des actions d’une société commerciale provenant d’une cession ou d’une transmission d’entreprise. Cette disposition pourrait susciter l’émergence de grandes fondations entrepreneuriales et familiales à l’image de Pierre Fabre.


Âgé de quatre-vingt-deux ans, faute d'héritier direct, Pierre Fabre, le fondateur et patron du groupe éponyme, a décidé de donner la majorité des parts de son entreprise à la Fondation Pierre Fabre : une Fondation Reconnue d'Utilité Publique qu'il avait créée en 1999, afin justement d'en faire un actionnaire de référence de son groupe et d'éviter qu'après sa disparition l'affaire ne soit vendue.


Les titres ont été transférés via un don représentant 60% du capital de l'entreprise pharmaceutique. Ce qui porte à 65% la participation de la fondation dans le capital du groupe (elle en détenait déjà 5%). Le reste du capital se répartit entre les salariés à hauteur de 6% et Pierre Fabre lui-même pour le solde. L’homme assure ainsi sa succession, en termes tant capitalistique que de management pour pérenniser l’indépendance de l’entreprise.


Les titres en cause ont été confiés à Pierre Fabre Participation, une société holding intermédiaire créée spécialement en juillet 2008. Une fondation ne pouvant pas gérer une entreprise, c'est cette structure qui assurera ce rôle. C'est la première fois en France qu'une entreprise de cette dimension est détenue majoritairement par une fondation, comme l'autorise une modification législative de 2006 conçue en partie pour Fabre. Jusqu’alors cette disposition n’avait jamais été utilisée mais nous pouvons nous interroger sur sa capacité à faire des émules parmi d’autres groupes familiaux ?

 

Une Fondation RUP particulière : la Fondation de Coopération Scientifique

 

À l’initiative du ministère de la Recherche, la Fondation de Coopération Scientifique (FCS) est créée par la loi de Programme du 18 avril 2006 pour la recherche. Ce nouveau statut vise en effet un assouplissement des conditions de gestion de grands projets de recherche sans trop s’éloigner des obligations de transparence comptable ni de la gouvernance des projets strictement publics.


Contrairement à une idée trop souvent répandue, elles ne bénéficient pas de la reconnaissance d’utilité publique bien qu’étant partiellement régies par les mêmes règles que les Fondations RUP. Elles échappent cependant à certaines de leurs contraintes, parmi les plus lourdes :


- Elles se constituent par décret simple signé par le Ministre de la Recherche. L’instruction d’une demande de création de FCS est de fait relativement rapide (environ 2 mois).


- Leur dotation peut être constituée en totalité ou majoritairement par des personnes publiques, elle est en outre consomptible à hauteur de 90% de son montant initial.


- La présence de fondateurs privés, si elle peut s’avérer la bienvenue, n’est juridiquement pas nécessaire;


- Les fondateurs sont majoritaires au conseil d’administration.


La gouvernance des FCS est en outre proche de celle des Fondations RUP. Toutefois, elles ne peuvent opter pour une formule "conseil de surveillance/directoire" et leur commissaire du gouvernement est, de droit, le recteur d’académie ou son représentant.

 

Fiscalement enfin, les FCS bénéficient des mêmes avantages que les Fondations RUP. Elles peuvent notamment bénéficier d’une exonération :


- d’impôt sur les sociétés sur l’ensemble des revenus patrimoniaux qu’elles perçoivent.


- des droits de mutations à titre gratuit s’agissant des dons et des legs qui leur sont consentis.

 

Nota : A l’inverse de la Fondation RUP, la FCS est une fondation très spécialisée, ne pouvant s’appliquer qu’au secteur de la recherche. Dans cette hypothèse très spécifique, cette formule est à préférer à celle de la Fondation RUP en raison de sa rapidité de création et de sa souplesse d’organisation et de gestion.

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22. Cf. Annexe 11 : Article 910 du Code Civil.

23. Cf. Annexe 9 : Article 795 du CGI.
24. Critères de non-lucrativité : une gestion désintéressée, l’absence de liens privilégiés avec les entreprises du secteur marchand, des activités non concurrentielles.

25. Cf. Annexe 13 : Article 29 de la loi 2005-882 en faveur des petites et moyennes entreprises.

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