A mesure que le monde se mondialise et se « financiarise », l’enjeu éthique grandit et mobilise tous les acteurs : individus, entreprises et Etats. On constate indubitablement une sorte de renouveau du comportement altruiste. C’est l’un des bons côtés de la mondialisation : nous sommes au courant, en temps réel, de la détresse qui touche les populations à l’autre bout du monde. Cette omniprésence des images et des informations nous ont rapprochés. On ne peut plus rester indifférents.
A cela s’ajoute également un autre effet de la globalisation : 
l’augmentation de la richesse. On assiste à l’émergence d’une nouvelle 
génération de philanthropes. Ce sont des jeunes gens qui ont fait 
fortune en quelques années dans la nouvelle économie ou dans la finance.
Face aux profondes disparités qui existent, ils ressentent le besoin 
d’être utiles, de « rendre », dans une certaine mesure ce qu’ils ont 
obtenu, et sont aussi en quête de sens. Cette tendance à s’afficher 
vient des Etats-Unis, où l’action desphilanthropes semble totalement 
décomplexée et se déroule sur le devant de la scène comme c’est le cas 
pour Bill Gates ou Warren Buffet. Dans le système social américain, 
s’engager dans le caritatif est extrêmement valorisé, admiré.
Aux Etats-Unis notamment, dont on connaît les traditions 
philanthropiques et la souplesse administrative et fiscale, les 
fondations sont devenues des acteurs aussi puissants que certains Etat 
dans le domaine de l’aide au développement. Ces fondations 
particulièrement visibles dans les secteurs de la santé, de 
l’agriculture ou de l’environnement, n’interviennent plus seulement aux 
Etats-Unis, mais sur la scène internationale avec des objectifs « 
d’intérêt général mondial », d’alphabétisation ou de lutte contre le 
sida. Les montants dont disposent ces fondations sont colossaux et la 
part des financements internationaux n’a cessé d’augmenter pour 
atteindre 4 milliards de dollars en 2006.
Dans une moindre mesure, l’Europe n’échappe pas au phénomène, mais à la 
différence des Etats-Unis, l’aide privée au développement n’est pas le 
fait d’individus mais d’entreprises, dans le cadre d’actions de mécénat.
La France occupe une place à part dans ce paysage en plein 
bouleversement. En raison de la place prise par la puissance publique, 
l’aide privée y reste contenue en dépit d’un cadre fiscal favorable 
récent pour les fondations. La loi du 1er août 2003 représente en effet 
une avancée très significative dans le statut juridique du mécénat en 
France, qui a permis en quelques années de passer « d’une culture de 
réticence, voire parfois de soupçon, à une culture de confiance et de 
reconnaissance ». Ainsi, le mécénat d’entreprise s’est beaucoup 
développé depuis 2003. Mais la philanthropie individuelle de la part des
patrons et des actionnaires hexagonaux est encore loin de celle de 
leurs homologues nord américains.
Cette nouvelle économie entraîne inéluctablement une exigence : la professionnalisation de l’acte philanthropique, tant au niveau du donateur que du bénéficiaire. Ainsi, on observe que l’objectif à poursuivre est que le don devienne l’équivalent d’un « investissement » dont le retour entraîne dans le temps un changement social, humain, environnemental, par comparaison avec un acte charitable qui n’exige pas nécessairement un changement durable.
En France, pays de culture latine, l’économie du don ou philanthropie 
reste encore ancrée dans les esprits comme étant essentiellement de la 
responsabilité publique. Et s’il y a création d’une structure à but non 
lucratif, le recours aux aides publiques est systématique. Ce n’est plus
le cas chez nos voisins comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et
le Royaume-Uni où l’efficacité du don est maximisée grâce à des 
sociétés privées capables de définir une stratégie et une politique 
d’accompagnement. On parle dans ces pays de « venture philanthropy », 
autrement dit de « capital-risque philanthropique ». Même si cela paraît
chez nous antinomique, c’est pourtant devenu une réalité économique. 
Cette nouvelle philanthropie est fortement influencée par les méthodes 
issues du monde anglo-saxon : avant de donner, les fondations 
américaines appliquent des grilles de sélection aux projets 
philanthropiques composées de critères d’analyse financière, de risque, 
de compétence et d’engagement. Elles mettent en avant la nécessité d’un «
return on investment » dans le « non-profit sector » qui permet 
d’évaluer l’impact du don.
En France, les donateurs privés sont historiquement essentiellement des particuliers, plus récemment des entreprises, et, depuis peu, des fonds financiers spécifiques. Ils agissent en règle générale directement ou indirectement par le biais d’associations ou de fondations.
Le paysage français des institutions et des fondations philanthropiques 
en 2007 se composait approximativement de 540 Fondations Reconnues 
d’Utilité Publique (FRUP), dont 14 institutions qualifiées « 
d’abritantes », c’est-à-dire bénéficiant de la disposition légale, 
article 5 et 20 de la loi de 1987. En réalité, deux organismes 
philanthropiques abritent historiquement la quasi-totalité des 
Fondations dites « Abritées », d’où une source de confusion. L’un de ces
organismes est une institution prestigieuse, l’Institut de France, qui 
abrite environ 1 200 fondations, dont des Fondations d’Entreprises. 
L’autre est la Fondation de France, créée par Malraux en 1970, qui 
abrite aujourd’hui environ 700 fondations (y compris des Fondations 
d’Entreprises). À cette liste, viennent se rajouter 16 Fondations RUP de
recherche créées par décret le 23 décembre 2004.
Les gouvernements français successifs ont perçu le rôle que pourrait 
jouer cette économie du don émergente. Par ailleurs, ils incitent de 
plus en plus les particuliers à intervenir dans le domaine 
philanthropique par des aménagements successifs de la fiscalité. 
Face à la montée en puissance de cette économie du don en France, il existe néanmoins une forme de « retard français ». Il est essentiellement imputable au facteur culturel :
- L’outil « fondation » et ses possibilités ne sont pas encore 
suffisamment intégrés dans la culture française, essentiellement par 
méconnaissance. De plus, les choix d’outils à leur disposition sont 
aujourd’hui des plus variés et leur multiplication entraîne une certaine
confusion dans leur application.
- S’ajoute à ce constat le fait qu’en France, le régime du droit des 
fondations reste encore relativement complexe et contraignant, d’où leur
petit nombre malgré la qualité de l’outil.
- C’est tout le contraire pour les associations, d’où leur trop grand 
nombre, une insuffisance de contrôle a posteriori et un manque de 
transparence. Or, ce sont là deux des outils majeurs de la 
philanthropie.
- Ainsi, sans les remettre en cause, le législateur vient d’introduire 
un nouveau dispositif pour amplifier et simplifier le financement des 
organismes à but non lucratif : le Fonds de Dotation (loi n°2008-776 du 4
août 2008 de modernisation de l’économie). Reste à savoir si cette 
structure hybride, en théorie plus simple à constituer qu’une 
association, et jouissant d’une plus grande capacité juridique que les 
fondations, recevra l’adhésion des mécènes.
- Enfin, une grande majorité des porteurs de projets, personnes 
physiques ou morales, manquent encore de professionnalisme, notamment 
dans les domaines du montage des dossiers, de l’analyse des risques, de 
la gestion financière et du suivi des projets.
Pour atteindre cette professionnalisation du mécénat qui permettrait à la France de devenir l’un des leaders mondiaux et asseoir définitivement sa légitimité dans cette nouvelle économie du don aux conséquences géopolitiques et sociales considérables, beaucoup reste à entreprendre :
- Changer les comportements du législatif, clarifier et pérenniser le 
champ d’application de la nouvelle économie du don. Il faudrait doter le
mécénat d’une réglementation administrative et fiscale durable, capable
de lui assurer de longues périodes d’action et de lui garantir la 
préservation des capitaux donnés, les intérêts servis et leur 
accroissement. Il faudrait créer, en quelque sorte, une ou plusieurs 
sortes de zones franches économiques, dédiées spécifiquement au don, 
dotées d’une réglementation simple et intangible garantissant la 
transparence indispensable par un système de contrôle a posteriori 
autonome, évitant ainsi de freiner les énergies créatrices ;
- Faire évoluer les mentalités, informer les donateurs en leur expliquant mieux les différences juridiques et stratégiques entre association et fondation, et entre les différentes fondations possibles qui entretiennent la confusion : RUP, abritées, abritantes, d’entreprise, de flux, à capital consomptible...
- Repositionner et promouvoir « la Fondation » en France et en Europe 
comme outil principal capable de satisfaire, de façon bien plus pérenne 
et transparente qu’une association, les intérêts des donateurs, ceux de 
leurs ayants droit, de leurs législateurs, des administrations centrales
et des bénéficiaires (les porteurs de projets) ;
- Apprendre aux donateurs à mieux donner ; autrement dit, intégrer en 
amont dans les stratégies patrimoniales et/ou d’entreprise une véritable
stratégie philanthropique à long terme ;
- Apprendre aux porteurs de projets à présenter, valoriser, accompagner 
leurs projets durablement ; autrement dit, former des entrepreneurs de 
l’économie du don responsables et capables de transmettre leur 
savoir-faire.