2.2. Transmettre à une fondation dans les meilleures conditions pour optimiser l’engagement

 2.2.3. Quelle stratégie en présence d’enfants

 Quelles sont les contraintes d’une donation en présence d’enfants ?


La présence d’héritiers peut entraver la transmission d’un patrimoine à une fondation. Comme évoqué au chapitre précédent, le Code civil institue des réserves successorales pour les héritiers en ligne directe pour protéger la transmission des patrimoines dans les familles. Cette disposition d’ordre public* prévoit que les descendants recueillent automatiquement une fraction de la fortune du défunt : 50 %, 66 % ou 75 % du patrimoine successoral selon le nombre et la qualité des héritiers en présence. Le cas échéant, des héritiers s’estimant lésés par d’importantes libéralités faites par le défunt de son vivant, sont fondés à réclamer (en justice, le cas échéant) que leurs droits proportionnels soient recalculés sur la base de la succession augmentée du montant des libéralités en cause.


Ce recours peut être exercé par les héritiers directs jusqu’à dix ans après le décès du testateur. Or, s’il est difficile d’imaginer un enfant contestant l’activité philanthropique de ses parents vivants, il n’est pas sûr que le même héritier, une fois ses parents disparus, ne sera pas tenté de se retourner contre une institution à laquelle il ne doit rien. Surtout si l’on considère que les systèmes de valeurs familiaux ne sont peut-être plus aussi homogènes et pérennes qu’il y a quelques générations… Ceci crée une véritable insécurité pour les fondations qui reçoivent des dons de chefs de famille.

 

Dans quel cas recourir à la renonciation anticipée à l’action en réduction* ?


La réforme des successions du 23 juin 2006, ouvre la possibilité jusqu’alors interdite de procéder à certains « pactes sur succession future » : les héritiers réservataires ont désormais la possibilité de renoncer par avance à exercer leur droit de recours une fois la succession ouverte. Cette renonciation « éclairée » ne peut être faite qu’au profit d’une ou plusieurs personnes déterminées, ce qui comprend une fondation existante ou en cours de création.


Proposée aux seuls héritiers réservataires majeurs, réalisée devant deux notaires, cette renonciation n’est révocable que dans certains cas limités. Elle a pour objet de permettre au donateur la réalisation d’un voeu ou d’une intention libérale particulière en toute connaissance de ses héritiers réservataires, qui peuvent éventuellement s’associer au projet.


Sans changer fondamentalement les principes du droit successoral français, cette ouverture permet son assouplissement dans le respect simultané de la liberté des héritiers majeurs et de l’intention généreuse du donateur. Par ailleurs, en l’absence de pacte sur succession future, le délai de recours de l’héritier après la mort du testateur qui était de trente ans a été ramené à dix ans. Du point de vue des bénéficiaires et donc des fondations, cette disposition sécurise définitivement les libéralités importantes effectuées du vivant des fondateurs et des donateurs chefs de famille.

 

 

Dans quel cas recourir au mandat posthume* ?


L’une des autres innovations successorales marquantes de la loi du 23 juin 2006 est la création du mandat posthume. Désormais, l’article 812 modifié du Code civil prévoit que toute personne peut donner de son vivant à une ou plusieurs personne de son choix mandat d’administrer38 à son décès tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l’intérêt d’un ou de plusieurs héritiers, et ce pour une durée déterminée. Il serait ainsi possible de confier le mandat posthume à une fondation, structure autonome et pérenne, éventuellement créée à cet effet, pour la gestion d’un patrimoine artistique ou historique important sur une durée limitée et prorogeable.


Cette mission peut être confiée pour une durée de 2 ans, voire de 5 ans, et être prorogée une ou plusieurs fois par le juge. Ainsi des héritiers trop jeunes, inexpérimentés, voire incompétents, ou bien une mésentente entre héritiers ne sont plus des obstacles à la transmission sereine de son patrimoine. Dès lors qu’un intérêt « sérieux et légitime » (pour reprendre les dispositions de l’article 812-1 du Code civil)39 existe au regard de la personne de l’héritier ou du patrimoine successoral, il est possible de confier un tel mandat à effet posthume à la personne de son choix.


Ce mandataire peut être une personne physique ou morale : en pratique, ce sera un conseil en gestion de patrimoine, un avocat, un notaire40, une fondation ou un fonds de dotation. Le mandat à effet posthume est naturellement rémunéré, le plus souvent par une fraction des revenus de la succession41, mais peut aussi être gratuit. S’il est prévu une rémunération, celle-ci doit être expressément déterminée dans le mandat, à défaut celle-ci sera le fait des héritiers. Une particularité mérite d’être soulignée : le mandat à effet posthume n’a pas à être révélé lorsqu’il est conclu, si bien que les héritiers peuvent avoir la surprise de découvrir son existence lors de l’ouverture de la succession…


Compte tenu des effets d’un tel mandat, le législateur a entendu entourer sa conclusion d’un certain formalisme :


Le passage devant le notaire est obligatoire, aussi bien pour donner le mandat que pour l’accepter, étant précisé que l’acceptation par le mandataire doit intervenir du vivant du mandant.


De plus, l’intérêt sérieux et légitime doit être précisément motivé dans l’acte notarié. Si le patrimoine est constitué d’un monument historique, l’intérêt de l’Etat, prime par conséquent celui des héritiers, mais encore faut-il que cela soit justifié dans l’acte. Cette notion d’intérêt sérieux et légitime sera la principale brèche dans laquelle pourront s’engouffrer des héritiers déçus pour contester le mandat.

 

Le mandat à effet posthume prive en effet les héritiers de la liberté de gérer comme ils l’entendent le patrimoine qui est pourtant devenu le leur, et ce pour une durée qui peut être longue. Il s’agit ainsi d’une véritable gestion fiduciaire, à l’image du « trust » anglo-saxon, permettant d’assurer la pérennité d’une exploitation en cas de décès du chef d’entreprise, ou d’une collection artistique privée au décès de son propriétaire. Le mandat à effet posthume peut ainsi parfaitement s’insérer dans une stratégie successorale précise et efficace et être une pièce essentielle d’un véritable « pacte de famille ».

 

 

Conclusion :

 

 

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« De la fondation RUP à l’Investissement Socialement Responsable : la multiplicité des modes d’action »

 

 Pour pérenniser son action, il est possible de créer son propre véhicule philanthropique


Le fondateur crée une entité (FRUP, FE, FA ou FDD) qu’il dote d’un capital (stable ou consomptible) ou de ressources (revenus d’un portefeuille, droits d’auteur, dons de personnes qu’il a sollicitées…) dont il définit l’objet et le fonctionnement (membres du conseil, experts, nature des aides accordées…). Voici ce qu’il faut retenir :

 

- FRUP : la Fondation Reconnue d’Utilité Publique (définie par l’article 18 de la loi de 1987):

- La finalité d’une fondation d’utilité publique doit être la réalisation d’une oeuvre d’intérêt général à but non lucratif. La dotation peut être destinée à être pérenne ou consommée sur une période indéterminée.

- La fondation doit être reconnue d’utilité publique par un décret en Conseil d’Etat.

- Elle suppose une affectation irrévocable du patrimoine qui lui est affecté : le donateur qui opte pour cette forme remettra ses biens à la fondation, en perdant ainsi la propriété et la jouissance.

- En cas de dissolution de la fondation, le patrimoine de celle-ci sera remis à une institution ayant un objet similaire ou à la Fondation de France.

- FE : la Fondation d’Entreprise (instituée par la loi du 4 juillet 1990)

- Fondation à durée limitée, dont le budget n’est plus assis sur les revenus d’un capital mais sur des ressources apportées annuellement par l’entreprise, cette nouvelle structure juridique est créée par arrêté préfectoral.
- Le montant minimum du programme d’action pluriannuel est de 150 000 € sur une durée de 5 ans.


- Par ailleurs, les Fondations d'Entreprises ne peuvent pas recevoir de legs, ni faire appel à la générosité publique, mais peuvent en revanche, depuis 2003, bénéficier des dons de leurs salariés. Elles se distinguent ainsi de la Fondation Reconnue d'Utilité Publique par sa durée de vie limitée et sa capacité juridique moins étendue.


- FA : la Fondation Abritée (crée par la loi du 4 juillet 1990) :


- Une Fondation Abritée n’a pas de personnalité juridique propre, mais en détient les principaux attributs au travers d’une Fondation Reconnue d’Utilité Publique qui l’abrite et dispose en particulier du même régime fiscal et juridique.

 

 - Dans ce schéma, les donateurs effectuent un versement à caractère irrévocable, pour le compte d'une oeuvre d'intérêt général et l'établissement reconnu d'utilité publique sera chargé de la gestion directe.


- La FRUP abritante prélève des frais de gestion proportionnels aux versements ou à la dotation lorsqu’elle existe. Cette formule permet en définitive une mutualisation des frais de gestion.


- FDD : le Fonds de Dotation (créé par la loi LME du 4 août 2008) :

- Son objet étant explicitement de faciliter la levée de fonds privés pour des actions de mécénat, le fonds de dotation collecte et capitalise les libéralités qui lui sont consenties dans le but de financer grâce aux fruits retirés de la capitalisation, son activité propre ou celle d’autres structures poursuivant une mission d’intérêt général.


- Plus simple à constituer qu’une association (puisqu’il peut être créé par une seule personne), le fonds de dotation jouit d’une capacité juridique supérieure à celle de la FRUP (puisqu’il peut notamment recevoir des donations et des legs sans autorisation préalable et en totale exonération) et offre aux mécènes un cadre fiscal tout aussi attractif (puisqu’il bénéficie du régime fiscal en faveur du Mécénat au titre des entreprises et des particuliers) à la seule exception de la réduction d’ISF pour les dons aux oeuvres (Loi TEPA du 21 août 2007)

 

 - Régime fiscal applicable :
- Fiscalité des revenus du patrimoine et des activités non lucratives : FRUP, FA et FDD sont exonérées des impôts dits « commerciaux » sur les revenus de leurs patrimoines et les revenus d’activité directement lié à leur objet. Seules les Fondations d’Entreprises sont assujetties à l’IS sur les revenus de leurs placements au taux réduit de 24% ou de 10% en fonction des types d’actifs détenus
- Fiscalité des libéralités consenties : FRUP, FA et FDD sont exonérés de tous droits de mutations dans le cadre d’un don ou d’un legs.

 

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« De la fondation RUP à l’Investissement Socialement Responsable : la multiplicité des modes d’action »

 

 Pour gratifier une fondation, il est possible de la désigner mandataire, bénéficiaire, donataire ou légataire.
Selon le mode d’action retenu, les répercussions d’un acte philanthropique sur le patrimoine sont différentes et il est d’autant plus difficile de choisir que les formes de soutien existantes sont nombreuses. Voici ce qu’il faut retenir :

 

- Mandataire à effet posthume
Le mandant peut pendant une période limitée, pallier les conséquences de son décès sur la gestion de ses biens ou de certains d’entre eux (ceux qui représentent notamment un patrimoine artistique ou historique) en désignant de son vivant une fondation mandataire qui accepte (OSBL) d’administrer et de gérer tout ou partie du patrimoine successoral.


- Bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie

C’est un moyen simple pour faire un don en faveur d’une cause après son décès. Il est possible de souscrire, à la discrétion des héritiers, un contrat d’assurance vie au profit exclusif d’une fondation habilitée à recevoir ce type de libéralités, qui plus est en totale franchise d’impôt (la FRUP, est exonérée de tous droits de succession). Ainsi, les sommes qui lui sont données par l’intermédiaire des assurances-vie seront intégralement dédiées aux actions menées par la FRUP conformément à son objet, d’où l’utilisation optimale du don.

 

- Légataire d’une succession


- Faire un legs double

La fondation est une solution particulièrement intéressante à préconiser pour les personnes sans descendants. Il s’agit d’instituer la fondation légataire universel et lui transmettre l’ensemble de son patrimoine en franchise de droits. La FRUP se chargera alors de délivrer les legs particuliers éventuellement désignés et pourra prendre à sa charge les droits en principe dus par les seconds gratifiés selon les volontés du testateur.


- Faire un legs à titre universel ou à titre particulier

 Il est également possible de réduire ce legs à une fraction seulement du patrimoine successoral ou encore à un ou plusieurs biens, mobiliers ou immobiliers, nommément désignés.


- Faire un legs à hauteur de la quotité disponible

Enfin, en présence d’héritiers réservataires, il est possible de faire un legs particulier dont la valeur ne doit pas dépasser la quotité disponible. Dans le cas contraire, le legs sera réduit ou déclaré caduc.

 

- Récipiendaire d’un don ou d’une donation temporaire d’usufruit


- Faire un don

(portant par exemple sur des valeurs mobilières, des actions issues de stock options…)
De manière générale, les dons des particuliers ouvrent droit à une réduction d’impôt de 66 % dans la limite de 20 % de leur revenu imposable avec possibilité de report sur les 5 années suivantes.
Dans la pratique, les dons peuvent être des dons en nature mais aussi des sommes d'argent ou des revenus.
En particulier, il est souvent plus avantageux de donner des titres chargés en plus-values plutôt que le produit de leur vente. Les dons ainsi effectués ne sont pas soumis à la taxation des plus-values. De même, la donation d’actions issues de stock-options à une FRUP permet un double effet de levier. Tout d’abord, les droits de donations se substituent à la plus-value d’acquisition, or précisément la FRUP est exonérée de ces droits. Ensuite, la plus-value issue de la cession des titres se fera en exonération de droit, la FRUP n’étant pas soumise à cet impôt.


- Faire un don sur une succession :

Les héritiers ou légataires d'une personne décédée depuis moins de 6 mois peuvent donner tout ou partie de leur part successorale à une FRUP, ce qui permet sous certaines conditions d'être exonéré de droits pour la part transférée.


- Réaliser une donation temporaire d’usufruit :

Cette opération consiste à donner les revenus d’un portefeuille de valeurs mobilières ou d’un bien immobilier à une fondation habilitée à les recevoir pour une durée déterminée. Ces revenus n’entrent plus dans l’assiette ISF du donateur. En ce sens, la donation temporaire d’usufruit permet aux donateurs qui y sont assujettis, la réalisation d’économies substantielles, proportionnelles à la valeur du bien concerné.

 

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« De la fondation RUP à l’Investissement Socialement Responsable : la multiplicité des modes d’action »

 

 Pour s’impliquer financièrement dans l’action d’une fondation, il est possible d’investir

 


- Dans des fonds partage d’épargne solidaire (cf. label Finansol) :
via un support qui distribue chaque année une fraction de ses dividendes et de ses frais de gestion à une fondation sous forme de dons.


- Dans des fonds socialement responsables :
qui sélectionnent des entreprises faisant preuves de réelles qualités humaines dans leurs activités, leurs politiques sociales et le respect de l’environnement.

 

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38. Le mandataire ne peut accomplir que des actes conservatoires et d’administration : il n’a aucun pouvoir de disposition sur le patrimoine qu’il gère.
39. Cf. Annexe 12 : Article 812 et 812-1 du CC.

40. Le notaire désigné mandataire est obligatoirement différent du notaire en charge de la succession.
41.La rémunération du mandataire constitue une charge de la succession. Elle est déductible de l'actif successoral dans la limite de 0,5% de cet actif et pour une somme plafonnée à 10 000 euros.

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