3.1.1 La vente de l’immobilier à une SCI : comment résoudre le probléme du financement?

Un premier schéma envisageable est la vente de la partie immobiliere à une SCI qui va détenir l’immobilier, avec le frottement fiscal énoncé plus haut. L’entreprise constituant souvent  l’essentiel du patrimoine du dirigeant, il ne dispose pas forcément de beaucoup de liquidités. Si la cession est anticipée très en amont, le rachat par la SCI du patrimoine immobilier peut être financé par emprunt. La société d’exploitation verse à la SCI des loyers qui financeront l’acquisition du patrimoine immobilier. Les loyers vont constituer une charge déductible pour l’entreprise.


Si le chef d’entreprise a opté pour une fiscalité à l’IR pour les revenus de la SCI, il pourra déduire des loyers encaissés l’ensemble des charges fonciéres et les intérêts d’emprunt, mais il ne pourra pas déduire les frais d’acquisition ni amortir les biens immobiliers. La fiscalité sur les revenus peut sembler plus lourde, mais en cas de cession de l’immobilier ou des parts de la SCI il bénéficiera du régime de faveur des plus values immobilières, avec exonération après 15 ans de détention. Le taux d’imposition sur la vente des immeubles ou des parts de la SCI sera celui de la fiscalité des particuliers, 28.1%.


Par contre, si la SCI est à l’IS, les cessions de parts seront soumises à la fiscalité des cessions de valeurs mobiliéres, c’est à dire maintenant 30.1%. Si monsieur Durand n’a pas l’intention de revendre ses parts de SCI, mais souhaite continuer à bénéficier de revenus fonciers comme source de revenus, ou transmettre une partie des parts à ses enfants après la cession, il peut choisir l’option pour l’IS. En plus des intérêts d’emprunt, les frais d’acquisition de l’immeuble de 5.09% ainsi que son amortissement si l’immobilier est encore assez récent pourront être déduits du résultat imposable et distribuable. On arbitre entre une fiscalité à 52.1% à l’IRPP et une fiscalité à 33.33% suivis de 30.1% à l’IS pour la distribution des revenus.


Mais, au niveau du financement sans apport initial, le chef d’entreprise va être confronté au problème évoqué plus haut : la durée de l’emprunt tourne autour de 10/15 ans, alors que la cession d’entreprise est projetée dans les six ans.


           3.1.1.1 La distribution des immeubles sous forme de dividendes, après l’apport à une SCI

Ce schéma a été exposé par Maître Henri Hovasse, lors d’une conférence sur la transmission des entreprises familiales19. L’assemblée qui statue sur l’affectation du bénéfice peut décider du mode de paiement du dividende : en numéraire, mais pas obligatoirement. Les statuts de la société d’exploitation peuvent prévoir la possibilité de distribuer des dividendes en nature par remise de biens immobiliers. Bien sûr, il ne s’agit pas de distribuer directement au chef d’entreprise et à ses enfants les immeubles : les contraintes liées à une détention de l’immobilier sous la forme de l’indivision sont bien connues.


La société d’exploitation Ciblex va apporter l’immobilier à une SCI, dont elle reçoit 100% des titres en échange. L’apport n’a pas été financé par Monsieur Durand, et la société d’exploitation détient 100% des parts de la SCI. Si la SCI est à l’IS, l’apport d’un bien immobilier est soumis à un droit proportionnel de 5%. Si la société civile immobilière est à l’IR, l’apport pur et simple ne générera pas de droit d’apport. Par contre l’apport génère toujours la taxation des plus values à l’IS soit 500 000 €. La SCI va louer les locaux à la société d’exploitation. En ayant pris soin de préciser dans les statuts la possibilité de distribuer des dividendes en nature, tous les ans la société d’exploitation Ciblex va distribuer à son actionnaire, Monsieur Durand des parts de la SCI sous forme de dividendes (il faut que la société Ciblex dégage des bénéfices). Monsieur Durand, pourra même envisager une donation immédiate d’une partie de ces parts à ses enfants tous les six ans. Au fur et à mesure, les parts de la SCI vont sortir de la société d’exploitation et passer entièrement dans le patrimoine extra professionnel du chef d’entreprise (tout en continuant à bénéficier de l’exonération ISF tant que la SCI loue les locaux à la société d’exploitation). Par contre, le coût fiscal n’a pas été réduit, la fiscalité sur la distribution des dividendes s’appliquant toujours. Au total, le coût fiscal est de 500 000 euros au titre de l'IS plus 451 000 au titre du PFL sur la distribution des parts de la SCI. Et s’il n’y a pas eu besoin de financer la sortie de l’immobilier, les loyers reçus sur les parts de SCI une fois qu’elles ont été distribuées à Monsieur Durand engendrent quand même des revenus qui seront imposés directement à l’IRPP (c’est à dire probablement à 52.1%).


            3.1.1.2 Comment optimiser fiscalement ce schéma ?

La société commerciale va apporter seulement la NP de l’immeuble à la SCI. L’entreprise se réserve le droit d’exploiter les locaux pendant une certaine durée (qui ne peut excéder 30 ans) et pourra amortir cet usufruit temporaire, au lieu de déduire des loyers.


À l’issue de la période convenue, avant la cession de l’entreprise, l’usufruit temporaire prend fin, dégageant une plus-value mécanique pour la SCI. La société d’exploitation va posséder à son actif des parts de la SCI, ainsi que l’usufruit temporaire qu’elle pourra amortir au lieu des loyers. Si le calcul est plus intéressant (sur une très courte durée), on peut opter pour la valeur fiscale donnée par l’Article 669 du CGI : l’usufruit temporaire égale 23% de la valeur en Pleine Propriété par tranche de dix ans c’est-à-dire ici 345 000 €, la valeur de la nue-propriété apportée à la SCI sera de 1 155 000 €.


Ici, il ne s’agit pas d’une donation mais d’un apport donc il n’est pas obligatoire de retenir l’Article 669 du CGI pour la valorisation de la nue-propriété mais on peut opter pour le calcul de sa valeur économique : NP = PP/(1+i)n


En se fixant sur un rendement de 5.5% de l’immobilier commercial, avec un usufruit temporaire de six ans, la valeur de la nue-propriété apportée à la SCI est de 1 087 688 €. Bien sûr, plus la durée de l’usufruit temporaire est importante, et plus le taux de rendement de l’immobilier commercial est élevé, plus la valeur apportée à la SCI va être faible. Dans notre cas, l’approche par la valeur économique a permis de faire une économie d’IS de 137 000 € au niveau de la société d’exploitation.


  • La valeur de la SCI est plus faible (1 087 000 € au lieu de 1 500 000 €), donc chaque année la distribution d’un même montant des bénéfices permettra de donner plus de parts de la SCI au chef d’entreprise et d’accélérer la sortie du patrimoine immobilier.
  • De plus, étant donné qu’il n’y a plus de loyers générés pendant toute la durée de l’usufruit temporaire, Monsieur Durand n’aura pas de revenus supplémentaires soumis à l’IRPP. Tant qu’il reste en activité, avant la cession de son entreprise, il n’y aura pas de fiscalité supplémentaire.

 

A l’issue de la période convenue, avant la cession de l’entreprise, l’usufruit temporaire prend fin, dégageant une plus-value pour la SCI. L’économie a été la suivante : 137 000 € au titre de l’IS, plus 124 000 de fiscalité sur la distribution des dividendes (30.1% sur l’écart de valorisation) soit un total de 261 000 €. On a réduit le coût de sortie de 27%.
Il est important que la distribution ait lieu assez rapidement après l’apport de la nue-propriété à la SCI, car la nue-propriété se valorisant avec le temps, il y a taxation des plus-values au niveau de la société au moment de la distribution des parts de la SCI, qui se revalorisent mécaniquement, si le schéma s’est appuyé sur une valorisation économique de l’usufruit temporaire.


Remarque : ce coût de sortie de l’immobilier est à relativiser par rapport au futur régime d’exonération des plus values de parts sociales. La fiscalité des 12.1% sur les 1.5 M€ du patrimoine immobilier maintenu dans la société d'exploitation aurait été de 181 500 €. Il existe un point d’équilibre entre les deux solutions tenant compte de la sous valorisation de l’immobilier resté dans l’entreprise.






19 « Les conflits liés au démembrement de propriété dans les opérations familiales de transmission d’entreprise », Intervention de Maître Henri Hovasse, 2 décembre 2002, pour l’Association Française du Family Office

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